Lisa Da Boit: « Le corps est plus intelligent que nous! »

La chorégraphe et danseuse Lisa Da Boit donne des formations dans le monde entier. Normal: son approche concrète, inspirée des mouvements de la vie quotidienne, est irrésistible. Bonne nouvelle: pendant deux jours, vous l’aurez rien que pour vous! Avec ITHAC, l’artiste italienne propose « Habiter son corps », au Delta: une exploration ludique qui vous fera du bien partout et vous donnera des pistes hyper pratiques pour votre travail avec les ados.

Par Laurent Ancion

Installée à Bruxelles depuis 2000, Lisa Da Boit est sans doute la plus belge des chorégraphes italiennes. « Le temps passant, j’ai vécu plus longtemps en Belgique qu’en Italie », lance-t-elle avec son piquant petit accent de la péninsule. Elle a dansé dans le monde entier, notamment avec les spectacles de Karin Vinck, basée à Bruxelles, et d’Ex-Nihilo, compagnie marseillaise. Aujourd’hui, Lisa Da Boit est directrice artistique de la compagnie Giolisu, qui développe un travail mêlant « l’impulsion d’une danse vigoureuse et le concret de l’action », comme elle nous l’explique. Quel plus beau tremplin pour une formation? Le truc de Lisa, c’est de partir de qui vous êtes – sans aucun prérequis – et de vous faire découvrir des trésors insoupçonnés, qui vont très certainement modifier la façon dont vous envisager vos mouvements… et celui des ados sur scène!

Partir des actions quotiennes

« Une formation de danse, ça peut faire peur », admet d’emblée Lisa Da Boit. « On s’imagine qu’on va devoir faire de beaux mouvements gracieux et techniques, ce genre de chose… Mais justement, cette « grâce » ne m’intéresse pas: même dans mes cours pour professionnels, j’incite toujours les participant·e·s à trouver leur propre danse et leur façon de travailler. Je propose des outils que chacun·e peut exploiter avec son propre background. Du moment que l’esprit est ouvert et curieux, absolument tout le monde peut trouver sa place! »

Pour y parvenir, Lisa Da Boit a un truc tout bête, mais qui fait des étincelles aux quatre coins du globe où elle donne des formations: « Je pars de situations très concrètes. Je pratique une danse pas très formelle, plutôt dans l’action. Je me rapproche des actes de la vie quotidienne : marcher, tirer, pousser,… Des gestes qui sont transformables en mouvements! On ne passe pas nécessairement par le cerveau: on part des ressentis du corps… et c’est libérateur. »

Apprendre sans besoin de mots

Un petit exemple concret? Prenons une table. Il y a l’espace en dessous, l’espace au-dessus. Lisa propose à quatre personnes de jouer sur ces différents niveaux. À chaque décompte, il faut changer de position: couché, debout, assis, sur ou sous la table, avec fluidité. Occuper l’espace ensemble, avec une liberté de mouvement et avec des consignes claires, permet de travailler – l’air de rien – des éléments essentiels de l’art chorégraphique: le poids du corps, les appuis, l’espace, la proximité ou l’éloignement avec les autres, les postures (droit·e, vautré·e, couché·e,…) et bien sûr les rythmes. « Ces concepts abstraits, pris isolément, peuvent être impressionnants. Mais ici, les participant·e·s les abordent et se les approprient naturellement », observe Lisa Da Boit. « En détournant l’attention de son propre corps, on se retrouve à bouger beaucoup plus librement. On explore l’écoute du groupe, de soi-même, du rythme collectif. Ça aide à travailler sur différents axes… sans le besoin des mots. »

Son intuition? « Le corps est plus intelligent que nous! », estime-t-elle. « Il faut sortir du seul intellect. Regardez les bébés qui expérimentent la marche: s’ils sentent qu’ils vont tomber, ils abaissent leur point de gravité, commencent à s’asseoir et se reçoivent plus ou moins tranquillement sur leur fessier! Plus on grandit, plus on oublie. Si tu envisages tes mouvements dans les ressentis, plutôt que dans la pensée, tu découvres que tu as des ressources insoupçonnées et que tu peux leur faire confiance. Il faut redescendre dans son corps et l’habiter ».

Habiter son corps

Le titre de la formation s’éclaire: « Habiter son corps ». Pour des ados, ce n’est pas toujours évident. « Ils arrivent parfois les mains coincées dans les poches, dans une veste qui les étrique,… », esquisse Lisa Da Boit. « La réponse, c’est de se mettre en mouvement. J’ai souvent travaillé avec les adolescents en classe et il y a moyen d’allumer une petite curiosité. Si elle s’allume, c’est parti: on essaye, on verra bien! Ils retrouvent le sens du jeu. J’observe que les ateliers les déstressent. Ils reprennent confiance. Ils reconquièrent du pouvoir sur leurs capacités. Il faut juste éveiller ou réveiller ce pouvoir! »

Et le lien avec le théâtre? « Pour moi, théâtre et danse vont ensemble. Le mouvement est aussi un récit. J’utilise notamment des exercices où parole et mouvement se complètent. Par exemple, je demande à une personne de raconter une histoire rocambolesque. Et quelqu’un d’autre, à ses côtés, met l’histoire en mouvements. Cet exercice permet à celui qui raconte d’avoir des images inattendues, et à celui qui bouge d’avoir des idées pour libérer son corps. Cette méthode m’a guidée pour la création d’un spectacle avec des ados de 13 à 18 ans. En une semaine, on avait 50 minutes de spectacle ! En s’attachant à du concret, des ados qui n’avaient jamais dansé sont devenus surpuissants! (rires). »

Formation « Habiter son corps », les 1er et 2 décembre, de 10 à 17h, au Delta, à Namur. On s’inscrit en cliquant ici!